B.F. : Vous vous intéressez à tous les domaines artistiques, de l'Antiquité à l'art contemporain. Pour votre première année, 2006, vous publiez une quinzaine d'ouvrages. Vous traitez toute l'histoire de l'art, c'est un projet ambitieux ...

Thalia est pour moi est une démarche politique. Ce n'est pas encore perceptible pour le moment mais j'espère néanmoins faire passer cette idée dans quelques années. Je souhaite mettre en place une maison d'édition qui mette en avant l'Histoire de l'art à partit d'un catalogue d'ouvrages comportant des livres de référence.

Le monde de l'édition des livres d'art dans lequel je travaille depuis 18 ans a beaucoup changé, tout particulièrement au cours des cinq dernières années du fait de restructurations importantes. Je crois néanmoins qu'il y a de la place pour une petite maison d'édition avec un catalogue ciblé sur l'Histoire de l'art.

Je crois également qu'il y aura toujours un public pour ces livres, d'autant plus que nos tirages sont assez réduits (autour de 2000-3000 exemplaires). Je sais que nous devons prévoir de vendre ces livres sur des durées plus longues. Mais ce sont des livres de référence et je sais qu'ils trouveront leur place.

B.F. : Votre idée est de construire un catalogue décliné en fonction des lectorats à qui ils s'adressent, avec des créations mais également des réimpressions d'ouvrages de fond ...

Pour la collection Art & Civilisations par exemple, nous avons commencé avec 5 parutions dont 2 rééditions. Il n'y a donc pas de prétention à la nouveauté, pour moi ce sont des livres de fond qui manquaient.

C'est là un enjeu éditorial que j'entend défendre : le livre de fond peut et doit encore exister dans l'édition d'art. Néanmoins, ce n'est pas chose évidente, le circuit commercial ne le permet plus vraiment en raison du roulement rapide et du nombre de nouveautés qui paraissent chaque année. Pour les éditeurs et les auteurs qui aimeraient continuer à publier des livres de fond, le marché est difficile...

La collection Art & Civilisations présente des ouvrages qui ne peuvent être simplement regardés ou admirés en tant qu'objets. Ce ne sont pas des Beaux-livres ou des livres illustrés, ce sont des livres qui servent à une fin précise de documentation. En créant cette collection, j'ai souhaité poursuivre la démarche de Desclée de Brouwer et Zodiac car je trouvais qu'en la matière qu'il y a avait là un manque dans le monde éditorial français. Mais il est vrai que je constate que ce public est réduit et que l'on doit arriver directement à lui pour le tenir informé.

B.F. : L'échec des différents tentatives pour introduire l'Histoire de l'art dans l'enseignement est un sujet récurrent dans le monde de l'art, qu'en pensez-vous ?

Aujourd'hui on ne cesse de mettre en avant les thèmes artistiques dans des évènements grand public mais les connaissances de base manquent. Quand on lance une maison d'édition de livres d'art, l'un des objectifs est d'ouvrir le monde de l'Histoire de l'art à tous et de le promouvoir. Mais ce n'est pas une chose facile à faire passer, ce n'est pas parce que l'on est éditeur que l'on peut imposer ses choix au marché. C'est pourquoi, je me concentre à présent sur un public ciblé - professionnels des métiers de l'art, monde universitaire, amateurs d'art éclairés - et non sur le grand public.

On a besoin d'être aidé à la fois dans le domaine de l'enseignement mais également et peut être surtout dans celui de l'iconographie, géré par le secteur public. Trouver les meilleures images à l'heure où les droits de reproduction sont exorbitants et les droits d'utilisation de plus en plus restrictifs devient un véritable casse-tête.

Editer un livre comme Histoire de Moi - un essai illustré parcourant l'Histoire de l'art à travers l'autoportrait dans la collection Initiation à l'art - représente un coût et un investissement risqué du fait de son iconographie importante, et plus encore lorsqu'on a des tirages modestes. C'est la raison pour laquelle ce livre est relativement cher alors qu'il aurait été beaucoup plus abordable pour un grand éditeur qui l'aurait tiré à 10.0000 exemplaires. Mais je ne peux pas prendre un tel risque à ce stade de développement de la maison...

B.F. : Vous avez pourtant choisi de créer votre propre maison d'édition. Alors même que les conditions du marché sont difficiles, vous préférez la voie de l'indépendance. Lancer une collection est un pari et la sanction peut être sévère lorsque les coûts sont lourds...

L'alternative est soit de sombrer dans la déprime soit de se prendre en main et de s'adapter aux nouvelles règles du marché. J'essaie aujourd'hui de savoir quel équilibre donner à un catalogue, c'est toute la difficulté pour une petite maison comme Thalia qui publie environ une quinzaine de livres par an.

Monter une maison d'édition est une longue histoire passionnante, une histoire qu'il faut assumer tous les jours. C'est un travail de fourmi qui nécessite un engagement énorme et ce temps ne peut être consacré à l'édition proprement dite. Je travaillais auparavant comme éditrice indépendante dans le domaine du livre d'art et j'agissais en quelque sorte derrière la scène pour d'autres éditeurs, Adam Biro ou les éditions de l'Amateur en particulier. Je ne connaissais pas alors l'ampleur de la tâche. C'est passionnant mais l'énergie demandée est colossale.

Je ne pourrais pas dire que dans notre cas la concurrence soit rude car le marché est très ciblé. C'est la mise en vente qui est devenue réellement difficile. Il faut désormais se démener pour promouvoir ses livres et c'est en cela que le milieu a changé.

J'ai connu l'époque où on se concentrait en premier lieu sur les livres et où la relation avec l'auteur était primordiale. La mise en vente était avant tout l'affaire du diffuseur. Ce n'est plus le cas aujourd'hui et c'est désormais une part non négligeable et difficile de mon travail.

Thalia Edition, 23 rue Saint-ferdinand - Paris 17e.

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