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Revue trimestrielle dirigée par Régis Debray. Sommaire : Robida médiologue, par Michel Thiébaut ; Antifrançais, l’Américain ?, par Jeffrey Mehlman ; L’art à l’épreuve de ses médiations, par Nathalie Heinich ; Tchekhov, la scène et nous, par Régis Debray Plus belle la vie, Julien Pasteur ; Les dieux ont soif, par Michel Leroux ; Cambodge : quel traitement du trauma ?, par Daniel Bougnoux (...).
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Model | 1600000220003 |
Artist | Médiologie |
Author | Sous la direction de Régis Debray |
Publisher | Editions Babylone |
Format | Broché |
Language | Français |
Dimensions | 190 x 170 |
Published | avril-mai-juin 2009 |
Robida médiologue, par Michel Thiébaut
Parmi les auteurs sensibles aux bouleversements culturels de notre époque, il est possible de faire des choix, d’établir une chronologie, de retenir l’un plus que l’autre pour la pertinence de son propos. Au-delà de l’effort individuel pour penser notre monde, le conditionnement culturel de chacun détermine son système de référence. Au nombre de ceux qui, très tôt, ont perçu le passage de la graphosphère à la vidéosphère, Albert Robida fait figure de pionnier. Deux de ses principaux ouvrages en témoignent, Le Vingtième Siècle, en 1883 (404 pages), et La Vie Électrique, en 1892 (234 pages). Ils demeurent assez peu cités. Les dates de ces deux titres laissent perplexe lorsqu’il s’agit d’évoquer la vidéosphère – même s’il s’agit d’anticipations romanesques. Et pourtant, c’est bien dans ces deux livres que nous trouvons une description d’un monde dominé par les écrans, bien en avance sur celui de Robida. Si le premier des deux ouvrages a connu un réel succès, au point d’être plusieurs fois réédité, c’est davantage en raison du caractère apparemment cocasse des inventions qu’il évoquait que pour la profondeur de vue dont il témoigne.
Michel Thiébaut est professeur d’histoire et de géographie dans l’enseignement secondaire à la retraite, il a conduit un travail de recherche autour de l’imagerie d’histoire (thèse d’État : L’Antiquité vue dans la bande dessinée d’expression française, 1945-1997). Il poursuit aujourd’hui ses recherches sur l’imagerie du XIXe et donne des cours sur ce sujet à la faculté des lettres de Besançon.
Antifrançais, l’Américain ?, par Jeffrey Mehlman
La francophobie américaine ne mérite pas moins d’attention que l’antiaméricanisme en France. Cette tradition pittoresque, et chez nous méconnue, Jeffrey Mehlman, éminent critique littéraire américain, l’aborde ici par le biais des meilleurs romanciers et des comédies musicales. À qui osera dire que c’est le petit bout de la lorgnette, le médiologue répondra par le dicton fameux : Ad augusta per angusta. Ce sont les sentiers qui mènent aux sommets.
Jeffrey Mehlman est critique littéraire et historien des idées. Il a enseigné à l’université de Cornell et à l’université Johns Hopkins. Il est actuellement professeur de littérature française à l’université de Boston. Son dernier livre publié : Émigrés à New York : les intellectuels français à Manhattan, 1940-1944 (Albin Michel, 2005).
L’art à l’épreuve de ses médiations, par Nathalie Heinich
« Un poème est un mystère dont le lecteur doit chercher la clef » et « c’est le regardeur qui fait le tableau ». Mallarmé et Duchamp nous auraient-ils égarés en nous donnant à croire que l’art est un jeu à deux ? En mettant au jour les entre-deux, Nathalie Heinich nous rappelle qu’il s’agit d’un jeu à trois. La sociologue analyse et documente méticuleusement l’action multiforme des intermédiaires dans un ouvrage éclairant, Faire voir. L’art à l’épreuve de ses médiations (Les Impressions nouvelles, Paris, avril 2009). Remercions-la de nous en donner ici un avant-goût.
Tchekhov, la scène et nous, par Régis Debray
Le metteur en scène Daniel Mesguich a bien voulu m’inviter à l’une de ses "Leçons du lundi", placées sous la rubrique « Penser le théâtre », devant les élèves du Conservatoire national supérieur d’art dramatique qu’il dirige (15 décembre 2008). On reproduit ici cette intervention orale, légèrement remaniée pour les besoins de l’impression.
Plus belle la vie, Julien Pasteur
Les séries télévisées, on peut se contenter de les regarder sans arrière-pensées. Julien Pasteur, lui, a entrepris d’en scruter moins innocemment les avatars successifs. Intrigues, personnages, décors : comment le petit écran reflète-t-il – à moins qu’il ne les prescrive – les formes où s’inscrivent les relations subtiles entre les nous et les moi-je ?
Julien Pasteur enseigne la philosophie à l’IUFM de Franche-Comté. Ancien chargé de cours à l’université, il poursuit aujourd’hui un travail de thèse au sein du Laboratoire de recherches philosophiques sur les logiques de l’agir (E A 2274) de l’université de Besançon. Ses travaux de recherche portent sur les rapports entre république et nation dans la philosophie politique et la littérature françaises de la fin du XIXe siècle et du premier XXe (1880-1920).
Les dieux ont soif, par Michel Leroux
Anatole France médiologue ? Michel Leroux nous invite à relire Les dieux ont soif, où l’auteur repère de troublantes analogies entre faits de religion et faits de politique : discours, comportements et jusqu’au recyclage du matériel liturgique… Éloge du scepticisme, à l’heure où d’autres vertus civiques menacent, gentiment, de nous asservir à l’empire du bien.
Michel Leroux est agrégé de lettres classiques. Ses livres publiés sont : Trente-Six commentaires composés rédigés, CRDP de Grenoble-Delagrave, 1993, rééd. 1998, Le Commentaire littéraire, ibid.,1997, et De l’élève à l’apprenant et autres pamphlets, Bernard de Fallois, 2007.
Cambodge : quel traitement du trauma ?, par Daniel Bougnoux
Trente ans après le renversement du régime des Khmers rouges par les troupes vietnamiennes, le 7 janvier 1979, le procès de quelques dirigeants devant des « chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens » (CETC) va enfin s’ouvrir à Phnom Penh. Cette juridiction au nom bizarre a connu une gestation tortueuse, fruit d’un laborieux compromis. Un procès international eût été plus simple à mettre sur pied, et sans doute moins coûteux, mais aurait-il eu la même signification aux yeux des Cambodgiens ?
Pour Soko Phay-Vakalis, qui m’a aidé à visiter autrement son pays
Daniel Bougnoux est professeur émérite à l’université Stendhal de Grenoble.
Quand le christianisme a changé le monde. D’« Apocalypse » à Maurice Sachot, des relectures déstabilisantes, par René Nouailhat
Le christianisme des premiers siècles redevient un thème d’actualité, tant à la télévision qu’en librairie. La belle série « Apocalypse » comme l’ouvrage de Maurice Sachot, Quand le christianisme a changé le monde, esquissent ce que peut être une histoire non religieuse de la religion, tout en montrant les périls des reconstructions a posteriori. Une leçon médiologique.
René Nouailhat est spécialiste d’historiographie du christianisme. Il a fondé l’Institut de formation à l’étude et à l’enseignement des religions au Centre universitaire de Bourgogne, à Dijon. Son dernier livre paru : Enseigner le fait religieux, un défi pour la laïcité, Nathan, 2004.
Trinité, mathématiques et infini, par Jean-Yves Chevalier
Du « Vicomte de Bragelonne » à Durkheim, d’Aristote à Gracq, l’aventure d’une question : la partie peut-elle être aussi grande que le tout ? Derrière cette question se cache l’infini. Brève histoire d’un cheminement surprenant reliant Trinité et Cantor, enjeux religieux et innovation mathématique.
Jean-Yves Chevalier enseigne les mathématiques en classe préparatoire au lycée
PENSE-BÊTE (5), par Régis DEBRAY
SALUT L'ARTISTE
Almodóvar, un tragique nommé désir, par Thomas Steinmetz
Curieux métissage que celui qui donne à l’œuvre de Pedro Almodóvar une personnalité propre et rend ses films reconnaissables au premier coup d’œil. D’un côté, un aspect lumineux, éclatant, fait d’emprunts revendiqués par le cinéaste au mélodrame : situations invraisemblables, personnages excessifs, expression extrême des sentiments. Rires et larmes, viols, incestes, tyrannies amoureuses, retrouvailles improbables sur fond de couleurs vives, dialogues parfois extrêmement crus, animent des histoires de passions et de meurtres. Voilà ce à quoi on est parfois tenté de réduire la signature d’Almodóvar, tant cet aspect est chez lui immédiatement frappant et fascinant. Pourtant, s’il impressionne et même hypnotise, cet habit de lumière n’est pas tout. L’univers mélodramatique est chez le cinéaste espagnol placé sous le signe, plus sombre et plus intime, du tragique : une logique implacable mène des protagonistes souvent très lucides et conscients de ce qui les attend vers une fin terrible, qu’ils affrontent avec une tranquillité remarquable.
Thomas Steinmetz, spécialiste de la fiction fantastique (littérature et cinéma), enseigne actuellement la littérature comparée à l’université Paris-Sorbonne (Paris-IV). Ses recherches portent principalement sur la théorie de la fiction, notamment dans la littérature contemporaine espagnole et hispano-américaine. Il est co-auteur d’un Dictionnaire du fantastique, à paraître aux Éditions Ellipses.
UN CONCEPT
Le Barbe-Bleue d’Orient, ou l’homme-fracture, par Pierre Chédeville
Une analogie troublante débouche sur un concept, celui de l’homme-fracture. Les crimes barbares de Gilles de Rais, il y a plus de cinq cents ans, et les attentats de New York, sinistre inauguration du xxie siècle, ont eu, au moment même où ils furent perpétrés, ce triste privilège de métamorphoser immédiatement leurs auteurs en légendes noires de l’Occident. Et pourtant, ni Beria, ni Himmler, âmes damnées autrement terrifiantes, ne sont véritablement devenus des figures populaires du Mal. Pourquoi cette étrange cristallisation sur les crimes d’un grand seigneur de France et d’un fils de grande famille saoudienne ?
Pierre Chédeville a une double formation en management et en littérature. Présent dans le monde de l’entreprise, où il est spécialiste du domaine bancaire, il n’a cependant pas cessé de questionner les grands textes pour essayer d’éclairer de manière décalée le monde contemporain.
SYMPTÔMES
Obama : la stratégie de la parole implicite, par Michel Erman
Un sondage réalisé auprès d’un panel de Français avant l’élection américaine donnait 69 % des voix au candidat démocrate. L’Obamania qui s’est emparée de l’Hexagone sur fond de belles envolées vantant la diversité et la discrimination positive, et condamnant, de facto, notre modèle assimilationniste, ferait presque oublier que Barack Obama a été élu aux États-Unis…
Michel Erman est professeur de linguistique et de poétique à l’université de Bourgogne.
Ce qui marche, par Daniel Bougnoux
L’image de couverture dit l’essentiel : une jeune femme brillamment harnachée de paquets marche d’un pas résolu vers de nouvelles emplettes, à moins qu’elle ne se hâte de rentrer chez elle pour essayer, devant son miroir, sa gracieuse silhouette mise à la dernière mode. L’image la coupe aux épaules, mais nous voyons à quoi elle pense, et quel projet domine la vie de la femme sans tête : « Je dépense donc je suis.
Encore un rêve : le jumelage scolaire Nord-Sud, par Daniel Faivre
Le moment le plus heureux de ma carrière fut sans conteste les années pendant lesquelles mon collège de Courbevoie fut jumelé avec une école malienne, celle de Niono précisément. Années pleines d’empathie qui mobilisèrent toutes les énergies, des élèves et de mes collègues, mais aussi celles des parents, de l’administration, de la municipalité.
Daniel Faivre, né avec la Seconde Guerre mondiale, est professeur de français engagé en 1968, longtemps responsable local du SNES. Itinéraire varié, du lycée Saint-Louis aux collèges de banlieue, et auteur d’ailleurs d’un essai sur ceux-ci : Ta Mère Point Com.
Un micro-médium nommé « Pléiade », ou du bon usage des préfaces, par Jacques Lecarme
Il y a peu de collections, dans l’édition française, qui soient parvenues, sur la longue durée, à constituer un espace sacré et un objet de culte. La « Bibliothèque de la Pléiade », inventée par Jacques Schiffrin, reprise et développée par les Éditions Gallimard, s’est toujours attachée aux œuvres complètes, au format portatif in-12° et au papier bible. Elle a connu cependant une évolution profonde dans ses préfaces, notes et annexes (que les spécialistes désignent comme « péritexte hétérographe »). Des années 30 à aujourd’hui, rarissimes sont les volumes sans préface : il ne s’agit que d’auteurs vivants qui se vexeraient d’être préfacés par un collègue présumé inférieur. Mais, jusqu’en 1939, on ne pléiadise, on ne sacralise que des auteurs classiques, autrement dit consacrés. On demande à un écrivain contemporain déjà notoire d’aider à la transmission d’un grand ancien : c’est un exercice d’admiration plus que d’actualisation. Louis-Martin Chauffier préface sobrement les Confessions de Rousseau, André Gide, le théâtre de Goethe, Bernard Groethuysen ses romans. Pour Shakespeare, c’est, derechef, André Gide ; pour Marivaux, Marcel Arland ; pour Roger Martin du Gard, c’est Albert Camus, élogieux jusqu’à l’emphase. Ces préfaces sont courtes et apéritives, les notes, vraiment minimales. On savait alors le lecteur désirant entrer de plain-pied dans le texte des classiques, et que le texte est d’autant plus désirable qu’il est plus proche de la nudité des statues. Les écrivains préfaciers cités ci-dessus appartenaient à la vie littéraire, non à la hiérarchie universitaire. Chez tous, on sent l’humilité de l’apprenti face au maître qu’il s’est choisi, ou que des directeurs de collection ont choisi pour lui.
Jacques Lecarme est professeur émérite de littérature française à l’université Paris III. Dernier livre paru : L’Autobiographie, avec Éliane Lecarme-Tabone (Armand Colin, 2004).
UN OBJET
Éloge du rasoir. Introduction à une petite métaphysique de la barbe, par Robert Damie
N’en déplaise à la légende noire de la nouvelle orthodoxie, il y a des utopistes heureux. King Camp Gillette (1855-1932) est de ceux-là : il a changé la face de l’homme. Comment?
Par la mise au point en 1897, après de nombreux tâtonnements de bricoleur, d’un outil utile, facilement manipulable par tous : un rasoir mécanique pour la barbe, de modèle réduit et à prix modique, muni de lames interchangeables à double tranchant enserrées dans une tête démontable. Ce petit appareil bien pris en main autorisait le moindre des hommes à se raser confortablement lui-même la barbe en toute sécurité, chez lui et partout où le travail comme le loisir l’amenaient à se déplacer.
Robert Damien est professeur de philosophie à l’université de Nanterre. Dernier livre paru : Le Conseiller du Prince, de Machiavel à nos jours, PUF, 2004.
Comité de rédaction :
Directeur : Régis Debray
Rédacteur en chef : Paul Soriano
Secrétariat de rédaction : Isabelle Ambrosini
Comité de lecture : Pierre-Marc de Biasi ; Jacques Billard ; Daniel Bougnoux ; Pierre Chédeville ; Jean-Yves Chevalier ; Robert Damien ; Robert Dumas ; Pierre d’Huy ; Michel Erman ; Françoise Gaillard ; François-Bernard Huyghe ; Jacques Lecarme ; Hélène Maurel-Indart ; Michel Melot ; Louise Merzeau ; Antoine Perraud ; France Renucci ; Monique Sicard.
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