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Publié le Wednesday 19 May 2021
Prenant comme point de départ l'arrivée en 1941-1942 à New York d'un groupe d'artistes européens surréalistes marseillais (Max Ernst, André Masson, etc.) quittant l'Europe en guerre, l'exposition propose une histoire alternative de l'art américain de l'après-guerre.
L'exposition, composée de près de 180 œuvres, de plus de 80 artistes, s’appuie sur les riches collections surréalistes et postsurréalistes des musées français et américains ainsi que des collections privées. C’est un miracle que dans le contexte de la pandémie ces œuvres prestigieuses aient réussi à voyager et la réussite de ce projet doit beaucoup à l’engagement des prêteurs et de toutes les équipes ayant travaillé dans des conditions exceptionnelles.
L’exposition retrace l’histoire de la présence d’un courant surréaliste dans l’art américain, des années 1930 à la fin des années 1960, et veut dépasser la légende selon laquelle les artistes new-yorkais auraient été bouleversés par l’arrivée des surréalistes parisiens en exil, qu’ils s’en seraient servi pour inventer un art proprement américain : l’expressionnisme abstrait.
Le parcours s’ouvre par la présence à Marseille, en 1940-1941, d’un groupe d’artistes surréalistes Victor Brauner, Max Ernst, Jacqueline Lamba, André Masson ou Wilfredo Lam attendant, autour d’André Breton, un départ prochain pour les États-Unis.
Si l’arrivée de ce groupe d'artistes à New York continue d’être décrite comme une révélation pour les jeunes artistes locaux, l’exposition montre que, depuis le début des années 1930, sur la côte Est aussi bien que sur la côte Ouest, des œuvres surréalistes ont été exposées et ont connu une grande popularité, faisant en particulier de Salvador Dalí une véritable star.
Bien plus, elles ont fait des émules et conduit au développement d’un surréalisme proprement américain, avec des figures aussi importantes que Joseph Cornell ou celles largement méconnues des surréalistes sociaux new-yorkais (comme O. Louis Guglielmi) et des post-suréralistes californiens (comme Helen Lundeberg).
Les surréalistes européens en exil continuent à créer des œuvres qui inspirent des jeunes artistes locaux, donnant ainsi naissance à un surréalisme transatlantique qui renouvelle ses formes et ses pratiques, avec deux variantes qui vont progressivement diverger : une voie figurative et une voie abstraite.
Le surréalisme transatlantique figuratif, représenté par des artistes tels que Dalí, Cornell, Man Ray, Yves Tanguy, Kay Sage ou la cinéaste Maya Deren, comporte une dimension profondément onirique, qui lui amalgame certains promoteurs du néo-romantisme fantastique comme Pavel Tchelitchew.
Le surréalisme transatlantique abstrait, dont l’un des principaux protagonistes, Arshile Gorky, est adoubé par Breton comme surréaliste à part entière, voit peu à peu émerger en son sein ce que les critiques vont appeler l’expressionnisme abstrait. L’exposition montre ainsi des œuvres surréalisantes des expressionistes abstraits canoniques : Robert Motherwell, Barnett Newman, Jackson Pollock, Mark Rothko, David Smith ou Clyfford Still, au côté des tableaux semi-abstraits de Miró, Masson et Ernst qui les ont influencés.
L’expressionnisme abstrait était imprégné de surréalisme, bien que son principal partisan, le critique Clément Greenberg, ait dénigré ce mouvement. Dans les années 1950, on voit d’ailleurs revenir des images cachées dans l’œuvre d’Helen Frankenthaler, d’une façon que l’on n’attendrait sans doute pas tant son œuvre a été recouverte d’un discours qui met uniquement en valeur son caractère abstrait, alors qu’elle continue à relever largement d’une logique surréaliste.
L’exposition examine ensuite comment les méthodes et stratégies surréalistes sont restées vives chez les artistes américains jusqu’à la fin des années 1960, même si seul un nombre limité d’entre eux l’ont reconnu.
Le surréalisme reste une force active, revendiquée dans les années 1950-1960 de façon provocatrice (pour se démarquer de la côte Est), par des artistes californiens comme Wallace Berman, Bruce Conner, Jess ou le cinéaste Kenneth Anger, dont les œuvres utilisent les métaphores et la narration, souvent avec des contenus sexuels. Sur la côte Est, comme l’a souligné Swenson, une nouvelle « relation entre l’objet et l’émotion » était également au centre des préoccupations d’artistes comme Jasper Johns, Ray Johnson, Robert Morris ou Claes Oldenburg : ils utilisent des objets quotidiens, seuls ou combinés à d’autres, pour transmettre des sens et métaphores complexes, redevables du surréalisme. Une sélection de boîtes créées par ces artistes ainsi que par le sculpteur de Chicago H. C. Westermann montre la persistance de l’influence de Duchamp, resté aux États-Unis après la fin de la guerre, dans une présence muette mais inspirante.
À partir du début des années 1960, ce sont également des peintres qui renouent avec la veine surréaliste, tels James Rosenquist ou John Wesley, dont les tableaux sont ici confrontés à ceux de Magritte ou Dalí. À la fin des années 1960, au moment où le surréalisme fait l’objet de publications et d’expositions historiques, au moment aussi où il connaît un fort regain de popularité que l’on peut observer dans les affiches du rock psychédélique californien dont une sélection est présentée, il agit également souterrainement sur des artistes qui brouillent les frontières entre abstraction et figuration et dotent leurs œuvres d’un fort potentiel érotique, voire sexuel, notamment en produisant des formes molles ou désagréables, similaires à celles que l’on trouve chez Alberto Giacometti ou Tanguy. Si certains d’entre eux, notamment Bourgeois et Eva Hesse, sont rassemblés par la jeune critique Lucy Lippard sous le signe de « l’abstraction excentrique » et placés par elle dans le lignage surréaliste, c’est à une renouveau beaucoup plus large des thèmes et des méthodes surréalistes que l’on assiste alors aux États-Unis, des reliquaires à viande de Paul Thek aux têtes en cuir de Nancy Grossmann, des sculptures molles d’Oldenburg aux reliefs agressifs de Lee Bontecou, voire aux premières œuvres de Richard Serra.
Sans doute l’héritage surréaliste était-il trop sulfureux pour que les critiques et les historiens de l’art l’aient reconnu. Ils ont préféré ranger ces artistes dans des mouvements bien distincts, comme pour les purifier. L’exposition Le surréalisme dans l’art américain entend leur redonner leur impureté originelle et leur force subversive.
Informations pratiques :
• Catalogue d'exposition Le Surréalisme dans l'Art américain, éd. RMN/ Grand Palais
• Centre de la Vieille Charité : 2, Rue de la Charité, 13002 Marseille
• Ouvert du mardi au dimanche de 9h30 à 18h, fermé les 25 décembre et 1er janvier
• PT: 12 €, TR 8 €. Le billet donne accès aux collections du musée d’Archéologie méditerranéenne et du musée d’Arts Africains, Océaniens, Amérindiens
• Accès :métro : ligne 2 (rouge) directionBougainville jusqu’à la sortie Joliette
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