Lettre d'information

Revue Médium N°22 - janvier-février-mars 2010

Médiologie - Editions Editions Babylone - Broché - Textes en Français - Publié en janvier-février-mars 2010

Revue trimestrielle dirigée par Régis Debray. Sommaire : OUVERTURE ; Claude Lévi-Strauss ; Le livre : du lutrin à la vitrine, par Thierry Grillet ; La perceuse et la girouette, par Pascal Krajewski ; Religions : la bombe diasporique, par Régis Debray ; Des caméras dans le prétoire ?, par Arnaud Lucien ; Quatre mariages pour un enterrement, par Daniel Bougnoux ; Aragon le fidèle  (...).

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Référence 1600000200005
Artiste-Genre Médiologie
Auteur(s) Sous la direction de Régis Debray
Editeur(s) Editions Babylone
Format Broché
Langue Français
Dimensions 190 x 170
Date parution janvier-février-mars 2010

OUVERTURE

Claude Lévi-Strauss

« Je hais les voyages et les explorateurs » : les oraisons funèbres qui nous ont sériné ce passe-partout, ont rendu le leitmotiv haïssable. C’est le danger des incipit quand l’humour est au troisième degré, le brio brouille la vue et permet les paresses. Ceux qui se sont donné la peine de lire Tristes Tropiques jusqu’au bout, en faisant avec l’auteur le tour de la terre, du Brésil au Pakistan, de Manhattan à Calcutta, restent reconnaissants à Claude Lévi-Strauss, tout homme de cabinet qu’il ait été, d’avoir beaucoup voyagé et beaucoup exploré. Rares deviennent les voyageurs, à l’heure où il n’y a plus que des voyagés, et précieux sont les explorateurs, à l’âge des tour-opérateurs. N’eût-il eu le goût du grand air et des écarts de conduite, de la Colombie-Britannique au Japon, que ce réfractaire serait resté simple philosophe, voué à des exercices de sudation sémantique en vase clos ; il aurait du même coup manqué à son maître Rousseau, le fondateur de l’ethnologie, et à son fameux mot d’ordre : « Pour étudier l’homme, il faut apprendre à porter la vue au loin ; il faut d’abord observer les différences pour découvrir les propriétés. » Il n’eût pas fait ainsi l’apprentissage du regard décalé. L’invariant structural ne se dégage qu’à force de dépaysements, à la vue et à l’écoute des variations du terrain. Un peu d’intelligence éloigne de l’aventure géographique, beaucoup y ramène.
 
Le livre : du lutrin à la vitrine, par Thierry Grillet

Au moment où la lecture publique et les pratiques lettrées encaissent l’effet de souffle de la progression explosive du Web, d’autres médiations se cherchent pour introduire au patrimoine écrit. Et montrer à travers quelles incarnations la société du livre s’est affirmée et parfois interrogée… Avec l’espoir d’atténuer la fracture culturelle qui menace, à sa manière, l’édifice de la transmission…
Un clip fait actuellement fortune sur YouTube (HelpDesk). Un moine, assis dans sa cellule, désespéré devant un gros in-folio fermé, attend la visite d’un autre frère. Toc, toc. « Bonjour. Je suis bloqué. — Ah ! Mais pourquoi ne pas ouvrir votre session ? — Et si j’avais réussi à ouvrir, vous croyez que j’aurais fait appel à un service d’assistance technique ? » répond, d’un air las, le déprimé du codex… Et l’échange se poursuit. « Vous voyez, c’est un système qui permet de sauvegarder à peu près cent pages de texte. —Ah bon ? Vous êtes sûr ? Même si je tourne la page, le texte qui se trouve derrière, là, je ne vais pas le perdre ? »…

Thierry Grillet est délégué à la diffusion culturelle, Bibliothèque nationale de France. Maître de conférences à l’IEP Paris.

La perceuse et la girouette, par Pascal Krajewski

Technique et technologie sont des mots qu’on emploie l’un pour l’autre. À tort selon nous : une perceuse électrique n’est pas technologique. C’est un objet technique. Il y a là plus qu’une question de vocabulaire.
Sur Wikipédia, le mot « technologie » est présent en anglais, français, allemand, espagnol, tandis que le vocable « technique » ne renvoie vers aucun article en anglais... Il appert que les Anglais appellent technology ce que nous nommons doctement « technique », et, par un retour espiègle de la raison, nous nous mettons à appeler « technologie » ce que les Anglais nomment technology. Il y aurait en fait deux sens en français au mot « technologie ». Son sens premier, étymologique, savant, pur : la science qui étudie la technique et les techniques. La techno-logie est, au sens pur, un discours (logos). Mais un second sens vient se nicher et envahir complètement les lieux, celui qui est ouvertement et déclarativement une importation de l’anglais.

Pascal Krajewski, ingénieur Supaéro, aujourd’hui conservateur de bibliothèque, est chargé du service gestion et développement informatiques de la bibliothèque de Toulouse. Doctorant en sciences de l’art sous la direction de Michel Guérin à l’université Aix-Marseille I, sur les articulations entre l’art et la technologie. Voir également : http://pkhome.wordpress.com/pk/.

Religions : la bombe diasporique, par Régis Debray

Nous publions ici une intervention faite en 2009 au séminaire « Les religions dans la mondialisation » organisé par le CERI et le ministère des Affaires étrangères, sous la direction de Joseph Maila et Denis Lacorne. Elle nous semble pouvoir illustrer, à travers le champ religieux, notre problématique : l’étude des rapports entre innovation technique et tradition culturelle.
Chacun sait qu’entre le rejet du et le retour au, ce que nous appelons « religieux » est pourri d’ambivalence, et qu’à toute grille d’analyse on peut en opposer valablement une autre de sens contraire. Mais pour stimuler la réflexion quelques impertinences ne sont jamais de trop. Je poserai donc imprudemment, et de façon unilatérale, quatre questions. L’Europe, fenêtre sur l’avenir du globe ou bien oeillère pour ne pas le voir ? Le tout-monde, comme dit Édouard Glissant, sera-t-il créole ou bien tribal ? La condition diasporique engendre-t-elle une dilution ou un durcissement des identités collectives ? Notre « postmodernité » appelle-t-elle une évanescence ou une résurrection des archaïsmes fondateurs ?

Des caméras dans le prétoire ?, par Arnaud Lucien

Le médiologue se demande ce que leurs outils font à ceux qui s’en servent. D’où la question : si le principe de la publicité des débats judiciaires devait un jour se traduire par leur médiatisation, à quel effet retour faut-il s’attendre ?
En France, la représentation classique de l’institution judiciaire est associée au croquis d’audience, dont le but est de faire ressentir au lecteur l’émotion d’une audience, le sentiment des parties, l’orgueil d’un procureur, la vanité d’un avocat ou encore l’assoupissement d’un magistrat. Les Gens de justice (1845-1848) et Les Avocats et les plaideurs (1851), oeuvres magistrales de Daumier (1808-1879), participent ainsi pleinement de la culture classique de ceux qui portent la robe. De même que l’humour et l’impertinence du trait de crayon, la profession ne s’est pas éteinte. En effet, l’interdiction légale et pénalement sanctionnée d’enregistrer et de photographier les audiences permet aujourd’hui aux talents de perdurer dans l’exercice autrefois cher à Toulouse-Lautrec et Édouard Manet. Le trait s’est ensuite modernisé, épuré, et la caricature survit avec Brétécher, Plantu, Cabu, Desclozeaux, Pancho ou Faizant. Cette tradition irrévérencieuse est peut-être destinée à s’éteindre. En effet, si paradoxalement la publicité des débats judiciaires n’autorise pas en France l’entrée des caméras dans les prétoires, on s’interroge aujourd’hui sur l’origine de cette prohibition. Dans le monde de l’image, le public exige une transparence qui ne s’accommode plus du voile de la justice. Les parties civiles voient dans la médiatisation de l’audience une occasion supplémentaire d’exprimer leurs revendications ou de voir reconnaître leur qualité de victime. L’institution judiciaire s’est toujours montrée réticente à l’entrée des caméras dans les prétoires, sauf quand l’intérêt historique de l’enregistrement est reconnu.

Arnaud Lucien est enseignant-chercheur à l’institut Ingémédia, université du Sud Toulon Var.

Quatre mariages pour un enterrement, par Daniel Bougnoux

Il arrive un âge où chacun peut dire, comme chante Brassens, J’ai vu se marier / Toutes sortes de gens. Et aussi enterrer. Évidentes manifestations de notre incomplétude, ces deux institutions symboliques rythment nos existences : nous sommes des êtres pour l’amour autant que pour la mort. Or, forcé d’assister bon an mal an à plusieurs manifestations de l’une et l’autre cérémonies, j’aboutis à ce constat paradoxal : je supporte mal les mariages, j’adore les enterrements. Pourquoi ?
Je me trouve toujours un peu déplacé dans les mariages auxquels on m’invite, alors que je suis plus à l’aise avec les enterrements. Cette bizarre disposition semble heurter tellement la nature que j’ai d’abord combattu en moi l’évidence : que diable, soyons gai, augmentons notre joie de la joie des autres, profitons des mariages pour faire le drôle, le bon convive, le cousin de province qui plaisante aux repas et bondit dans la danse !… En revanche, n’endossons que passagèrement la tristesse des enterrements, n’y accordons que l’apparence en adoptant quelques heures un masque de gravité et de respect. Or c’est tout le contraire : je m’ennuie aux mariages, les enterrements m’excitent.

Daniel Bougnoux est professeur émérite à l’université Stendhal de Grenoble.

Aragon le fidèle, par Hervé Bismuth

La question de l’engagement dans la durée se pose en termes de fidélité, notion paradoxale dès lors qu’elle doit s’affronter aux variations et renversements de l’histoire. La rencontre entre Aragon et les étudiants de Mai 68 fut, de ce point de vue, à la fois l’occasion d’un procès pour traîtrise et une leçon sur ce qu’est et ce qu’implique l’engagement politique.
La question de l’engagement peut se poser en des termes somme toute assez simples dès lors qu’il s’agit du seul passage à l’acte : dans cette perspective, l’engagement est une action ramassée sur elle-même, délimitant de part et d’autre d’elle-même un « avant » et un « après ». Une fois ce passage effectué, l’engagement est un processus d’autant moins aisé à décrire qu’il est alors non plus un acte, mais une posture, qui, parce qu’elle s’inscrit dans le temps, s’enlace à une autre posture, celle de la « fidélité ». Cette dernière, si elle semble facile à invoquer, à observer, est autrement complexe à décrire : loin d’être la valeur absolue qu’elle prétend être, cette posture n’existe en pratique que dans une relation d’objet que la durée problématise obligatoirement : si l’acte d’engagement à un instant précis correspond à une adéquation entre le sujet de l’engagement, le contexte dans lequel il s’engage, les valeurs représentées par ce contexte et l’acte lui-même, l’écoulement du temps met forcément en tension la fidélité à l’engagement dans la mesure où l’histoire modifie forcément ce sujet, ce contexte, ces valeurs. Et c’est bien pourquoi il est certes éthiquement souhaitable mais hélas logiquement peu probable de rester fidèle à la fois à soi-même, à son acte d’engagement, aux valeurs auxquelles on s’est lié et au contexte – un parti, par exemple – qui les a, à un moment ou à un autre, illustrées. Et l’on a eu beau jeu, en 2008, tandis que l’histoire revisitait quarante ans plus tard Mai 68, de souligner ironiquement – parfois aussi de façon polémique – le nomadisme politique de certains acteurs de mai, comme si ce nomadisme ne concernait en rien les acteurs restés des décennies plus tard dans les mêmes partis, alors que ces partis avaient plusieurs fois changé de ligne politique, à mesure que l’histoire fournissait de nouvelles perspectives tout en réorganisant les anciennes.

Hervé Bismuth est maître de conférence, à l’université de Bourgogne, centre pluridisciplinaire Textes et cultures.

Écrire sous Staline, par Jacques Lecarme

Les illusions collectives ont un fidèle soutien, l’intellectuel, et un grand ennemi, le romancier. Le premier entretient l’imagerie, le second la brise. Exemples : Boris Pasternak et Robert Littell.
Du roman traditionnel, Maurice Blanchot, il y a un demi-siècle, écrivait que c’était un art sans avenir. Les romanciers qui ne se résignaient pas à satisfaire ou à assouvir les besoins du public ont alors renoncé à représenter le monde. Leur ambition, plus haute, a été de se constituer en univers autonomes, résolument textuels : romans spéculaires, nouveaux romans, antiromans, parodies, palimpsestes, récits contestant le récit jusqu’à en donner à voir l’impossibilité. Ce fut l’autoréférence, obligée et exaltée.

Jacques Lecarme est professeur émérite de littérature française à l’université Paris III.

Le retour des sorciers, par Michel Leroux

Les remontées de l’irrationnel en milieu scolaire méritent attention. Le succès d’Harry Potter et de Dan Brown – croisement de l’entertainment avec le business – témoigne d’un effet jogging amusant mais parfois inquiétant.
Le néo-ésotérisme, composante du postmodernisme dans sa variante posthumaniste, ne cesse d’étendre aujourd’hui un empire dont les sorciers constituent l’aile marchante. Telle est désormais leur audience qu’on ne pouvait, il y a peu, mettre le pied dans un supermarché ou un manuel scolaire sans trébucher sur un manche à balai ou donner de la tête dans un potiron sous l’oeil hypnotique d’un hibou. Autre symptôme du retour des sorciers, une dérive culinaire surprenante chez le peuple le plus gourmand de la Terre. Il est en effet objectivement plus difficile de mettre la main sur la recette du clafoutis aux cerises ou de la sauce gribiche que sur celle du potage de crapaud ou de la soupe de loup-garou. Passe encore que Google en fournisse les ingrédients, mais il est à craindre que ces préparations n’en viennent à supplanter, dans les livres de lecture à l’usage des petits, les tableaux de conjugaisons et les règles d’orthographe.

Michel Leroux est agrégé de lettres classiques. Auteur de Trente-Six commentaires composés rédigés, CRDP de Grenoble-Delagrave, 1993, rééd. 1998, Le Commentaire littéraire, ibid., 1997, et De l’élève à l’apprenant et autres pamphlets, Bernard de Fallois, 2007.


PENSE-BÊTE (5), par Régis DEBRAY


SALUT L'ARTISTE

Michael Rakowitz, L’ennemi invisible ne devrait pas exister, par Nicola Setari

L’ennemi invisible ne devrait pas exister a été présenté pour la première fois à New York en janvier 20071. Comme Michael Rakowitz le révèle dans une entrevue2, l’idée de ce projet lui est venue au cours d’une visite au Mmusée de Pergame, à Berlin, où il avait été captivé par la porte monumentale d’Ishtar, déterrée à Bagdad entre 1902 et 1914. Rakowitz a été particulièrement frappé par l’histoire de cette porte qui se trouvait sur l’ancienne voie de procession nommée Aj-Ibur-Shapu, qui se traduit par L’ennemi invisible ne devrait pas exister. Un lien s’établit aussitôt entre cette découverte et le choc qu’avait provoqué en lui le pillage du Musée national de Bagdad à la suite de l’invasion américaine de l’Irak, en avril 2003.

Nicola Setari est critique d’art et rédacteur en chef de la revue Janus. Sa thèse de doctorat, De l’iconoclasme à l’iconoclash. Recherches sur les stratégies iconoclastes contemporaines, est en cours d’adaptation pour être publiée.
    
BONJOUR L'ANCÊTRE

Le paradoxe Balzac, par Pierre Chédeville

S’attarder sur les stéréotypes du libraire, du patron de presse, de l’homme d’affaires, tous véreux jusqu’à la caricature, pour dessiner en creux une critique radicale de notre société, est une peine que l’on épargnera au lecteur. La cupidité mène le monde ? Dura lex, sed lex, et nous risquerions, à nous attarder, de noircir cette page de poncifs. Endossons donc plutôt l’habit du médiologue, en laissant au placard celui du sociologue. On trouve en effet dans les Illusions perdues un théorème médiologique éclairant sur le phénomène de la diffusion des idées et des savoirs, que l’on pourrait résumer en paraphrasant le célèbre aphorisme de Nietzsche : en matière de transmission, les forts sont toujours vaincus par les faibles1.
Pierre Chédeville a une double formation en management et en littérature. Présent dans le monde de l’entreprise, où il est spécialiste du domaine bancaire, il n’a cependant pas cessé de questionner les grands textes pour essayer d’éclairer de manière décalée le monde contemporain.

Pierre Chédeville a une double formation en management et en littérature. Présent dans le monde de l’entreprise, où il est spécialiste du domaine bancaire, il n’a cependant pas cessé de questionner les grands textes pour essayer d’éclairer de manière décalée le monde contemporain.
    

UN OBJET

Balles et ballons, modeste contribution à une ludographie culturelle, par Robert Damien

On juge un être à sa position dans les alternatives majeures : êtes-vous bain ou douche, rasoir ou barbe, slip ou caleçon, baskets ou souliers, chien ou chat, maison ou immeuble, vélo ou mobylette, voitures ou transports en commun, etc. ? Il en est de même avec un autre dilemme névralgique : êtes-vous un enfant de la balle ou du ballon ? De quel côté penchez-vous et quand vous tombez, à quoi vous raccrochez-vous ? Les pieds et les mains, la tête et les épaules, en tapant dans les murs comme on le fait avec une balle ou en sautant par la fenêtre en vous prenant pour un ballon volant, une balle dans la tête du suicidé ou le ballon explosif du martyr ?

Robert Damien est professeur de philosophie à l’université de Nanterre.
    
            
SYMPTÔMES    
      

Le roi Roger, par Philippe Morier-Genoud

Lundi 18 mai 2009, 10 heures, funérailles de Roger Planchon. Incinération au Père-Lachaise. Hommage. Cérémonie. Une foule présente : un petit millier de personnes. Jauge convenable, aurait-il consenti ! Toute la profession réunie ou presque, sauf la jeune génération, quelque peu sous-représentée. Parmi les officiels, aucun des ministres actuels, mais trois anciens rescapés : Catherine Tasca, Jacques Toubon, Jack Ralite. Le défunt en avait connu plus de trente…

Philippe Morier-Genoud est acteur de théâtre et de cinéma. Il a travaillé successivement à Grenoble (CDNA), ensuite à Lyon au côté de Roger Planchon (TNP), puis à l’Odéon-Théâtre de l’Europe, où il fut acteur permanent de la troupe de Georges Lavaudant de 1995 à 2005. Il poursuit également une carrière au cinéma qu’il a commencée avec François Truffaut en 1981.

Plateformes, par Christian Cavaillé

Sur la terrasse où nous prenons l’apéritif, un jour de l’été 2008, un ami m’explique en quoi consiste la principale activité de son entreprise (Orfi), qui a pour slogan « imaginer l’espace » : concevoir et réaliser des stands à finalité commerciale ou culturelle qui prendront place dans un hall et sur une plate-forme d’exposition.

Christian Cavaillé a enseigné la philosophie de 1967 à 2003. Il a publié : Philosopher depuis Montaigne et après Wittgenstein. Instances des essais (L’Harmattan, « La philosophie en commun », 2008).

Notre francophonie, par François-Joseph Lapointe

Hier le latin, aujourd’hui l’américain et demain, qui sait, l’hindi, l’arabe, le mandarin. Les chercheurs de partout connaissent et appliquent ces règles des plus claires : pour être reconnu, il faut être lu, et pour être lu, il faut publier, publier beaucoup… en anglais SVP. D’aucuns s’entendent en acceptant les critères très stricts de publication dans Nature, Science ou PNAS. Le grand jeu de la science se joue à l’échelle planétaire, mais le financement de la recherche s’inscrit, quant à lui, dans un cadre national où les règles fluctuent grandement d’un pays à l’autre. La NSF américaine, l’ANR française ou le CRSNG canadien imposent leurs dictats sur les appels de projets, les mécanismes d’évaluation de la recherche, les thèmes prioritaires et les critères d’attribution des subventions.

François-Joseph Lapointe est professeur titulaire à l’université de Montréal.

Scribouille, par Pierre Murat

On ne le sait que trop, la civilisation du numérique aura bientôt périmé la presse imprimée et les lettres manuscrites, recomposé toutes les instances de pouvoir, ruiné de vastes systèmes de croyances, anéanti de vénérables et séculaires institutions dont déjà il nous paraît étrange qu’elles aient pu seulement exister ou qu’en subsistent des nostalgiques. Et l’on ne s’étonne plus de déambuler où que l’on soit, le sans-fil à l’oreille, pour s’entretenir en plein vent et sans discrétion avec qui l’on désire joindre sur l’instant.

Pierre Murat est professeur de lettres en classes préparatoires à Marseille.

Changer de ligne, changer de corps, par Daniel Faivre

Heureux caractère, celui qui, prenant un métro aventurier, se retrouve indifféremment à Église-d’Auteuil ou à Château-Rouge. Chaque station éclaire ce Montesquieu moderne au regard persan. Appréciant ici le mélange bruyant et multicoloré, les élans d’énergie, la détresse parfois, la rudesse toujours ; là, le chic, le retenu, le feutré. Jolies métamorphoses pour notre caméléon curieux : haussmannien avenue du Président-Wilson, trader fou à la Défense, immigré à Barbès, républicain à la Bastille, dominicain rue du Faubourg-Saint-Honoré, patriote aux Invalides. Autant ému par L’Internationale que par La Marseillaise. Imprévisible !

Daniel Faivre est professeur de français, longtemps responsable local du SNES et auteur d’ailleurs d’un essai sur ceux-ci : Ta Mère Point Com.

Internet nid de samizdats, par Antoine Perraud

Au xxe siècle, dans feu l’URSS, là où régnait le « socialisme réel », quelques réseaux informels firent circuler clandestinement une contre-information (ainsi que des oeuvres de l’esprit). Ce système, chacun s’en souvient, avait pour nom samizdat (autoédition en russe, clin d’oeil aux éditions d’État : Gosizdat).


Comité de rédaction :

Directeur : Régis Debray
Rédacteur en chef : Paul Soriano
Secrétariat de rédaction : Isabelle Ambrosini
Comité de lecture : Pierre-Marc de Biasi ; Jacques Billard ; Daniel Bougnoux ; Pierre Chédeville ; Jean-Yves Chevalier ; Robert Damien ; Robert Dumas ; Pierre d’Huy ; Michel Erman ; Françoise Gaillard ; François-Bernard Huyghe ; Jacques Lecarme ; Hélène Maurel-Indart ; Michel Melot ; Louise Merzeau ; Antoine Perraud ; France Renucci ; Monique Sicard.   

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