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Revue trimestrielle dirigée par Régis Debray. Sommaire : Avoir le chef en tête, par Antoine Perraud ; Du maître au coach, par Michel Erman ; Pasteur ou bien tisserand ?, par Dimitri El Murr ; Chefferies, par François-Bernard Huyghe ; L’icône démocratique (à propos des portraits de Gambetta), par Michel Melot ; En majesté, par Daniel Bougnoux ; Premiers rôles, par Louise Merzeau (...)
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Référence | 1600000280007 |
Artiste-Genre | Médiologie |
Auteur(s) | Sous la direction de Régis Debray |
Editeur(s) | Editions Babylone |
Format | Broché |
Langue | Français |
Dimensions | 190 x 170 |
Date parution | juillet-août-septembre 2007 |
Avoir le chef en tête, par Antoine Perraud
Musarderie étymologique et lexicale à travers les chefs d’une accusation
Le terme chef a connu des détours avant de percer. Il a eu un ou deux concurrents avant de rester seul en lice. Puis il s’est imposé avec une efficacité envahissante et virile. Mais, en le prenant au mot, ne peut-on pas forcer le chef à se découvrir ?
Antoine Perraud est producteur à France Culture.
Du maître au coach, par Michel Erman
La chefferie doit autant au discours de persuasion qu’à l’image avantageuse. Le « discours du chef » a ses métaphores traditionnelles, devenant communes aux mondes politique, économique et sportif. Après le lion, le tigre et le loup, voici le coach, moins redoutable et plus entraînant. Un mot à examiner de près.
Michel Erman est professeur de linguistique et de poétique à l’université de Bourgogne. Il travaille en particulier sur le discours politique. Dernier ouvrage paru : Poétique du personnage de roman, Ellipses, 2006.
Pasteur ou bien tisserand ?, par Dimitri El Murr
La politique est question d’unité, ou plutôt d’unification. Or penser cette unité sur le modèle du tissage n’est pas la même chose que de la penser, par exemple, sur le modèle du mélange. La réunion de deux liquides miscibles ne produit pas une unité du même type que celle de la chaîne et de la trame dans l’étoffe d’une toile tramée. Tel ou tel élément du mélange peut disparaître dans la fusion qui produit une nouvelle unité substantielle. Mais la chaîne et la trame ne cessent jamais de se distinguer ; elles sont toujours dénouables.
Dimitri El Murr est ancien élève de l’École normale supérieure de la rue d’Ulm. Agrégé de philosophie, maître de conférences à Paris I à partir de septembre 2007. Son dernier livre publié : L’Amitié, Flammarion, 2001.
Chefferies, par François-Bernard Huyghe
L’autorité fut longtemps l’attribut du chef. Il suscitait spontanément l’obéissance. Or notre société privilégie l’influence. Plus d’autorité, donc plus de chef ?
François-Bernard Huyghe est docteur d’État en sciences politiques, habilité à diriger des recherches en sciences de l’information et communication. Il intervient comme formateur et consultant. Dernier livre paru : Comprendre le pouvoir stratégique des médias, Eyrolles, 2005.
L’icône démocratique (à propos des portraits de Gambetta), par Michel Melot
Être chef, en démocratie, devient-il une simple affaire d’image ? Omniprésente, inévitable, banalisée, l’image devient en tout cas une affaire politique. Elle s’impose pour rassembler les énergies dispersées et colmater les brèches de sociétés fissurées. Ainsi se construisent les républiques, à coups d’images.
Michel Melot a été président du Conseil supérieur des bibliothèques. À la fin de son mandat, en 1996, il a été chargé de la sous-direction de l’Inventaire général et de la documentation du patrimoine. Son dernier livre paru : Livre, avec des photographies de Nicolas Taffin (L’Œil neuf, 2006), voir entretien dans Médium n°10.
En majesté, par Daniel Bougnoux
Dynamique des images : certaines ne s’arrêtent pas au sage face-à-face mais cherchent un contact virulent, une invasion de la conscience, une pulsion d’emprise. En deçà ou au-delà de la représentation, elles détiennent un pouvoir et manifestent un ascendant. « Présence réelle », vertu d’incarnation, magnétisme ou influence galvanisante..., ce vocabulaire théologico-politique contourne la relation sémiotique en direction d’une action plus vive, et plus dangereuse pour les sujets menacés de suggestion. On reconnaît à cela le chef : dès son image il en impose, son effigie ne l’éloigne pas.
Daniel Bougnoux est professeur émérite à l’université Stendhal-Grenoble III. Son dernier livre paru : La Crise de la représentation, La Découverte, 2007.
Premiers rôles, par Louise Merzeau
Les mécanismes de la gouvernance et de l’autorité ne s’exercent qu’à travers une mythologie, simultanément mystificatrice et normative. Il n’est pas de chef sans une figure, où s’incarne la rencontre d’un pouvoir et d’une aspiration. L’image n’est donc ni un habillage ni une signalétique : c’est une génétique où s’élabore la médiation. En ce sens, le cinéma offre plus que des illustrations. Il produit des modèles de légitimation, susceptibles d’alimenter une philosophie des regards qui est aussi une pensée du politique.
Louise Merzeau est maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à Paris X et photographe. Son dernier livre publié est Au jour le jour, Descartes et Cie, 2004.
Désirs de chef , par Jacques Lecarme
L’entre-deux-guerres a vu deux désirs bien distincts, celui de devenir un chef et celui d’avoir des chefs. La littérature de cette période manifeste une grande ambivalence : les chefs seraient à la fois la pire des choses et le recours suprême.
Jacques Lecarme est professeur émérite de littérature française à l’université Paris III. Dernier livre paru : L’Autobiographie, avec Éliane Lecarme-Tabone (Armand Colin, 2004).
Mégalomanie et mélancolie , par Robert Damien
Relationnelle toujours, l’autorité est relatée par celui à qui elle en impose. La satire rappelle à l’éminence qu’elle n’est que relative à cet autre même dont elle se fait l’écho narquois, parfois rancunier. Elle rétablit le rapport à l’autre de toute autorité en parasitant les illusions de grandeur. En changeant les points de vue et les échelles du regard, elle restitue les termes de comparaison. Dans la mégalomanie, folie des grandeurs, se creusent alors les plis amers de l’idéal. Déçu de découvrir sa dépendance vis-à-vis d’autrui, le chef sombre dans la mélancolie, maladie d’Héraclès, maladie de la grandeur.
Robert Damien est professeur de philosophie à l’université Paris X Nanterre. Dernier livre paru : Le Conseiller du Prince, de Machiavel à nos jours, PUF, 2004.
Pour Voltaire , par Jacques Lecarme
Très contrastées, les réactions à l’opuscule Aveuglantes Lumières (Gallimard, 2006). Indulgentes, côté Monde et Marianne (Marc Fumaroli, Jean-François Colosimo). Haineuses, côté Figaro et Le Point (Sylvain Lapaque, Jean-Paul Enthoven). En médiologue de la chose littéraire, Jacques Lecarme, lui, trouve encore bien du charme et de la sagesse au hideux sourire.
Jacques Lecarme est professeur émérite de littérature française à l’université Paris III. Dernier livre paru : L’Autobiographie, avec Éliane Lecarme-Tabone (Armand Colin, 2004).
L’optique de l’aura , par Régis Debray
« Sc. occultes. Sorte de halo enveloppant le corps, visible aux seuls initiés » (Petit Robert).
Extrait pour partie de Loués soient nos seigneurs. Une éducation politique, Gallimard, 1996.
Quatre figures du discours , par Paul Soriano
Les quatre figures temporelles de l’autorité repérées par Alexandre Kojève ne font pas l’économie de dispositifs d’obéissance : de la coercition à la persuasion, du charisme à la rhétorique, les instruments du pouvoir recombinent inlassablement l’image et la parole. Et il n’est pas sûr que leur dernier avatar, appelé « gouvernance », mette un terme à cette histoire.
Paul Soriano dirige l’IREPP (Institut de recherches et prospective postales.www.irepp.com). Dernier livre publié : Internet, l’inquiétante extase, avec Alain Finkielkraut (Mille et Une Nuits, 2001). Docteur ès lettres, il a soutenu une thèse sur l’Antiquité.
L’école des leaders, par Pierre d’Huy
Il y a sans doute un destin dans toute histoire de chef, mais aussi souvent beaucoup de connaissances sur les bancs de l’école des élites. Peut-on apprendre à être chef ?
Pierre d’Huy est consultant international en management de l’innovation, professeur associé au Management Institute of Paris, enseignant au CELSA Sorbonne-Paris IV. Dernier ouvrage paru, L’Innovation collective, Éditions Liaisons sociales, 2003 et 2007.
En avant marque ! L’autorité des marques comme système fonctionnel, par Benoît Heilbrunn
Dans la logique industrielle, accoler un nom propre à un produit de série ne va pas de soi. C’est pourtant une nécessité du marketing, qui sait fort bien recycler les anciennes autorités traditionnelles et charismatiques. Un nouveau rôle pour le chef postmoderne.
Benoît Heilbrunn est professeur de marketing à l’École supérieure de commerce de Paris (ESCP-EAP) et à l’Institut français de la mode (IFM). Il s’intéresse notamment au design, à la culture matérielle et à la religiosité des marques. Dernier ouvrage paru : La Consommation et ses sociologies, Armand Colin, 2005.
BONJOUR L'ANCÊTRE
Ici, contre l’amnnésie et la désinvolture, un médiologue d’aujourd’hui célèbre un maître d’hier oublié ou méconnu.
Maurice Barrès (1862-1923) - avec Jacques Lecarme
Les écrivains croyaient écrire pour l’éternité, or il suffit d’une génération pour que les plus prestigieux d’entre eux soient ensevelis dans la poussière de l’oubli et de l’indifférence. Qui a mieux communiqué avec son époque (1890-1914) que Maurice Barrès, sinon Sartre avec la sienne (1938-1964) ? Le succès ininterrompu de leurs écrits, le prestige durable de leur personne, ont épuisé leur crédit pour les générations. Qui a trop gagné de son vivant perdra devant les nouvelles vagues de lecteurs. Mais il est difficile de disparaître aussi complètement des librairies et du lectorat que ce Barrès, qui pourtant a influencé et fécondé la génération de ses cadets : Mauriac, Malraux, Montherlant, Aragon, Drieu La Rochelle. Ils ne l’avouent pas tous, mais ils ont repris de Barrès la petite musique qui devient la note même de l’écrivain, son new sound, ce qui est la grâce littéraire. Ils lui ont aussi emprunté cette mise en scène de la figure de l’auteur, qui fait passer sa personne avant son œuvre et qui dispense de la lire. Cette obscénité littéraire qui recourt à la posture commence avec Barrès, et elle contaminera la plupart de ses successeurs. Aujourd’hui, on ne voit plus que la pose, comme sur ce tableau de Zuloaga : le cheveu noir, le regard d’aigle, cambré comme un dandy, Barrès regarde Tolède, copiée d’après le Gréco. Ce n’est qu’une image de celui qui fut le prince de la jeunesse, l’idole du Quartier latin, le chantre de la Lorraine occupée. Mais cette image dissuade de lire une foule de livres ou de libelles dont l’énergie reste intacte.
SALUT L'ARTISTE
Ici, contre modes et paresses, un coup de projecteur éclaire un coin d’ombre
dans la forêt des formes actuelles.
Jean Baudrillard par Marc Guilaume
Mes amis
Nous sommes la communauté des amis de Jean Baudrillard.
Quand Jean donnait son amitié, c’était pour la vie.
Fidélité absolue, quelles que soient nos faiblesses, nos limites.
Fidélité qui laissait toute liberté. Ceux qui ne voyaient pas Jean souvent restaient néanmoins ses amis.
Ces liens d’amitié, de formes diverses, étaient parcourus par des courants singuliers et subtils, des courants qui résistent à l’usure du temps : les courants de la séduction.
La séduction s’ajoute à l’amitié, et en même temps elle l’allège : elle l’allège des échanges convenus et des manques. Nous, les amis de Jean, nous étions saisis par la grâce et la puissance de son écriture, de sa pensée. Il nous accueillait, nous partagions la joie d’être ensemble et, en même temps, nous comprenions que nous ne lui manquions pas…
L’allégresse de disparaître, par Louise Merzeau
Jean Baudrillard aimait prendre des photos. Il parlait souvent de cette allégresse – celle des matins de lumière sur une ville, ou de l’oblicité d’un livre sur une table. Moments de joie, solitaires et gracieux. Sans autre conséquence qu’une effraction dans le principe même de réalité...
La photographie comme pratique philosophique, par Françoise Gaillard
Certains auteurs de contes pour enfants ont exploité le soupçon d’une existence autonome et séparée des choses. Jean Baudrillard a donné à ce soupçon la forme d’un questionnement philosophique : « N’avons-nous pas le phantasme profond, depuis toujours, d’un monde qui fonctionnerait sans nous ? » Et c’est ce monde qu’il a voulu photographier. Ce monde qui ne nous suppose pas. Ce monde où nous ne sommes pas. Aussi a-t-il choisi ces moments où les choses s’imposent à nous dans leur pure évidence. Ces moments où les choses semblent exister pour elles-mêmes, indifférentes à notre regard. Ces moments où elles se ne laissent prendre que par surprise. Et pour les rendre à ce pur « être là » qui est leur vérité, il a arraché les choses à toutes les qualités dont notre subjectivité les recouvre...
UN CONCEPT
Un peu de logique s’il vous plaît. Place à une notion fondamentale et fondatrice sévèrement résumée. Parce que la médiologie ne se sait pas science, elle s’exige rigueur et cohérence.
Gouvernance par Paul Soriano
En vieux français (XIVe siècle), gouvernance désigne simplement l’art de gouverner.
Tombé en désuétude, le terme réapparaît en anglais dans les années 30, à propos du gouvernement d’entreprise (corporate governance), à l’époque où Ronald Coase 1 se demande « pourquoi y a-t-il des entreprises ? » plutôt que, simplement, des marchés (des contrats), ouvrant ainsi la voie aux théories « institutionnalistes » de la firme.
SYMPTÔMES
Ici, chacun s’en donne à cœur joie et à compte propre sur tel ou tel sémaphore de l’esprit du temps.
À la porte, clopes et cloportes !, par Pierre Murat
Foucault, bon prophète, avait décelé ce lent et profond mouvement amorcé au XIXe siècle qui, à présent, se déploie sous nos yeux, investit nos corps et régit nos comportements. Il le nommait « biopolitique ». Finie l’époque où dieux et États laissaient vivre les humains comme ils pouvaient, mais décidaient de leur mort. Est venu le temps béni où, au nom de l’hygiène et de la Sécu réunie, les États, se chargeant de notre bien-être, refusent que notre vie soit une mort à petit feu. En ces temps d’euthanasie, la santé s’acharne : ces bons bougres de citoyens ignares de ce qu’ils font, qui s’assomment d’alcool, se tabassent de nicotine et s’envoient en l’air sans préservatifs, il faut désormais les faire vivre malgré eux. D’information en propagande, de dépistage en prévention, de protection en prohibition, la Santé Publique, nouvelle idole, impose ses diktats. Au nom de la liberté des uns, elle réécrit l’histoire des autres et prive de leur clope Camus, Sartre et Malraux. Fin de la responsabilité individuelle, l’Ordre moral et sanitaire nous protège contre nous-mêmes. Première étape, le « développement séparé », chacun dans son aire et goûtant son air favori, vicié ou embaumé. Mais voici venu le second temps, celui de la réprobation et de l’exclusion. Il se joue en deux versions : Maréchal, nous revoilà, ou Allons enfants de l’apathie.
Pierre Murat, professeur é-clopé clopin-clopant.
Fantaisie pharmacologique, par Jean-Pierre Dautun
Marianne et son mari se trouvaient de plus en plus mal fichus. Ils avaient mal un peu partout à leur Constitution. Ils voulaient prendre quelque chose, mais ils ne savaient pas quoi choisir. Ils allèrent consulter le gentil pharmacien de leur village recomposé, monsieur Bayrou.
Jean-pierre Dautun, professeur de lettres, puis publicitaire au XXe siècle. Hors caste et peu situable depuis. Auteur de Chroniques des non-travaux forcés (Flammarion) et de Testez et développez votre stupidité sans peine (J’ai lu).
Les mots qui ont fait élire Nicolas Sarkozy, par Michel Erman
À l’heure de la démocratie d’opinion et de la suprématie des médias audiovisuels, faire prévaloir un dessein politique est moins une affaire de raison que d’adhésion. Aujourd’hui, pour espérer l’emporter, un candidat à l’élection présidentielle se doit donc de créer un climat d’empathie avec les électeurs. En 2002, l’échec d’un Lionel Jospin qui souffrait d’un déficit d’enthousiasme en est la preuve par l’absurde. C’est pourquoi Nicolas Sarkozy s’est attaché au long de la campagne à susciter une relation d’identification gratifiante, protectrice et rassurante à sa personne.
Comité de rédaction :
Directeur : Régis Debray
Rédacteur en chef : Paul Soriano
Secrétariat de rédaction : Isabelle Ambrosini
Comité de lecture : Pierre-Marc de Biasi ; Jacques Billard ; Daniel Bougnoux ; Pierre Chédeville ; Jean-Yves Chevalier ; Robert Damien ; Robert Dumas ; Pierre d’Huy ; Michel Erman ; Françoise Gaillard ; François-Bernard Huyghe ; Jacques Lecarme ; Hélène Maurel-Indart ; Michel Melot ; Louise Merzeau ; Antoine Perraud ; France Renucci ; Monique Sicard.
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