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Publié le Saturday 09 June 2007
Maître incontesté de la peinture de la première moitié du XXe siècle, Pierre Bonnard (1867-1947) dont l'univers intimiste et les paysages lumineux du Midi ont fait la renommée, est moins connu comme dessinateur. Ce peintre de la couleur et de la sensation accordait néanmoins au dessin une attention particulière, maniant toutes les techniques avec une prédilection pour le crayon. Son oeuvre graphique rassemble ici un choix de 160 oeuvres sur papier issues d'un ensemble privé. Ces dessins (pastel, encre, crayon, gouache), oeuvres préparatoires ou oeuvres en soi, axés sur des sujets variés (paysage, portrait, nu, illustration, etc.) se situent entre les années nabies et la maturité.
Ses sujets proviennent de l'observation de son environnement familial et de la vie parisienne. C'est par l'affiche que son talent va en premier lieu s'accomplir. Cette discipline fait appel à des techniques qui relèvent de la gravure, la lithographie ou l'eau-forte, que Bonnard pratiquera assidûment.
Bonnard découvre la publicité dès 1891. Tenté par l'économie de la mise en page japonaise Bonnard conjugue son sens de la silhouette et du graphisme sur ses premières affiches : France Champagne,
Le Moulin Rouge, la Revue Blanche. France Champagne qui apparaît sur les murs de Paris en mars 1891 est un succès : elle lui offre un premier article signé par Félix Fénéon. Ce premier essai confirme son rang d'artiste ; il enthousiasme Toulouse-Lautrec qui va composer à son tour des affiches, notamment pour la promotion du Moulin Rouge, cabaret pour lequel les deux artistes concourent. Plusieurs projets au crayon et au pastel existent dans les carnets de croquis de Bonnard, mais c'est finalement celui de Lautrec qui sera imprimé.
La dimension décorative
Dès ses débuts, Pierre Bonnard s'intéresse à l'art décoratif ; ses carnets ou ses papiers comptent de nombreux dessins plus ou moins aboutis pour mettre en oeuvre des projets variés. Il répondait déjà à des commandes précises comme celles du Théâtre d'Art créé par Paul Fort ou le Théâtre Libre d'André Antoine, ou à un concours de l'Ecole des Arts décoratifs. A cette époque, la peinture et les arts décoratifs luttaient à armes égales. Si l'on connaît bien ses panneaux pour paravent, on connaît moins ses projets d'ameublement et de décoration intérieure, comprenant des aménagements complets, armoires, plafond, panneaux peints ou des objets de décoration de table.
Bonnard s'est très tôt intéressé à l'illustration. Ses premiers essais en 1891-1893 viennent de son amitié avec son beau-frère Claude Terrasse, compositeur pour lequel il esquisse un projet de couverture pour une Suite pour piano et les illustrations d'un Petit solfège. Ses relations privilégiées avec certains auteurs comme Alfred Jarry et le marchand et éditeur parisien Ambroise Vollard multiplient les occasions jusqu'à la couverture très « solaire » de la revue Verve en 1947. Ses collaborations concernent des domaines multiples du roman (Marie de Peter Nansen (1898), Prométhée mal enchaîné d'André Gide (1908,1920), Notes sur l'amour de Claude Anet (1922), à la littérature pour enfants (l'Alphabet sentimental (1893) Histoires naturelles de Jules Renard (1902), Dingo d'Octave Mirbeau (1924) ou Les Histoires du Petit Renaud de Leopold Chauveau (1927).
L'espace intérieur/extérieur
Comme Matisse, dont il possédait La fenêtre à Collioure de 1912, Pierre Bonnard s'est toujours intéressé à cette distance du regard entre le dedans et le dehors dont la fenêtre est la représentation symbolique. Il apprécie le moment où le regard se pose sur un objet, une forme, un espace tendu. Il note par quelques coups de crayon et de couleurs, sa vision d'un moment vécu, du spectacle de la nature ou d'un arrêt du temps à l'intérieur.
Paysages de la Normandie à la Méditerranée
Le travail de Bonnard est rythmé par ses séjours dans ses maisons-ateliers successifs, d'abord dans le
Dauphinois de sa jeunesse, dans le domaine du Grand-Lemps où son avenir se dessine, dans la vallée
de la Seine, en Normandie, puis dans le Midi où il reçoit « un coup des Mille et Une Nuits ». Au fil des années, son travail lent et solitaire lui impose l'acquisition d'une maison en 1912 dans le Vernonnet en bordure de rivière, non loin de celle de Monet à Giverny ; il l'appellera « Ma Roulotte ». La nature environnante grandiose et magique par sa multitude d'espèces d'arbres et d'essences de fleurs lui inspire de nombreux croquis au crayon et à l'aquarelle dont certains deviendront des tableaux.
La santé précaire de Marthe les pousse à « changer d'air » régulièrement. Il s'établit en 1927 sur les hauteurs de Cannes, dans sa villa du Bosquet. Bonnard ne cesse de dessiner à l'extérieur comme toujours « dès que, confie t-il, je trouve un effet de lumière, un paysage ou une atmosphère qui me saisit. »
La figure, Marthe, nus & portraits
De tous les sujets, la figure, l'image du corps est la plus obsédante chez Bonnard. Marthe, qu'il
rencontre en 1893, devient le sujet féminin quasi exclusif de ses nus dans la baignoire, au tub, à table,
jusqu'à sa mort en 1941 et au-delà. Cette femme aimée, à la santé délicate, le contraint à s'isoler. Il s'adapte et n'en travaille que mieux. Il garde son image vivante, transcendant la maladie et le temps qui passe par cette figure idéale qui lui est à jamais associée. Une autre femme pourtant, rencontrée en 1918 - Renée Monchaty - dont il s'éprit, aurait pu soustraire cette image de Marthe du monde de Bonnard, mais sans conséquence. Elle prête néanmoins son beau visage pour quelques portraits et des croquis pour des projets d'illustrations, notamment Notes pour l'amour de Claude Anet.
Informations complémentaires :
Commissaire de l'exposition : Véronique Serrano
MUSÉE CANTINI
19 rue Grignan
13006 Marseille
Tél. : + 33 04 91 54 77 75
Fax. : + 33 04 91 55 03 61
Métro : ligne 1 - Estrangin Préfecture
Horaires : de 10h à 17h jusqu'au 31 mai de 11h à 18h à partir du 1er juin. Fermé le lundi et les jours fériés.
Directeur des Musées de Marseille : Marie-Paule Vial
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