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Publié le Saturday 31 March 2007
L'exposition, qui réunit plus de 190 pièces (peintures, dessins, estampes, objets d'art, manuscrits et documents rares), confronte un ensemble significatif d'oeuvres du maître et de ses contemporains, à un événement culturel et religieux d'une portée considérable : l'installation à Amsterdam, au XVIIe siècle, dans un climat unique de tolérance, des communautés juives réfugiées de la péninsule Ibérique et d'Europe centrale.
Les Pays-Bas témoignent alors d'un puissant phénomène d' "identification hébraïque", conduisant ses habitants à se penser comme les nouveaux Israélites. Le monde juif et le monde chrétien réformé se rencontrent à Amsterdam, "Nouvelle Jérusalem", tissant d'innombrables liens religieux et culturels. Fondatrice pour la société juive moderne, cette communauté de "nouveaux-chrétiens" convertis par force au Portugal, mais restés secrètement fidèles au judaïsme, et devenus des "nouveaux-juifs" à Amsterdam, innove dans de nombreux domaines : organisation communautaire, représentation de soi par l'image et l'archive, acculturation, inscription dans la cité.
L'exposition est délimitée chronologiquement par la vie de Rembrandt (1606-1669), qui recouvre, peu ou prou, la période qui s'étend de l'établissement des juifs aux Pays-Bas, à partir de l'extrême fin du XVIe siècle, jusqu'à l'inauguration de la grande synagogue d'Amsterdam (1675).
Un large prologue est consacré à l'évocation du milieu social, intellectuel et artistique juif à Amsterdam, afin de mettre en valeur le dynamisme d'une communauté portée par le formidable essor économique de la cité et par le régime de libertés, grâce auxquels elle a pu se développer.
Le renouveau de la lecture biblique, l'idée de l'imminence des temps messianiques et l'attrait exercé par des personnalités juives exceptionnelles, dans le champ tant intellectuel qu'économique, ont nourri une présence forte et inédite des juifs dans l'art et la représentation.
Une série d'oeuvres peintes, dessinées et gravées (notamment l'intégralité des estampes de Rembrandt relatives à l'Ancien Testament) vient illustrer l'originalité du regard porté par le maître sur les juifs.
Jusqu'à une période récente, des historiens de l'art, héritiers d'un influent corpus de textes des XIXe et XXe siècles, avaient encore tendance à "judaïser" l'oeuvre de Rembrandt et à voir, en particulier dans maintes représentations d'hommes et de vieillards exécutées par l'artiste, des portraits de juifs et de rabbins. Si l'on est aujourd'hui revenu de ce lieu commun simplificateur, les échos dans l'art du maître de ses relations avec son environnement juif demeurent néanmoins une question intéressante.
Par ailleurs, les croyances millénaristes qui traversent le monde protestant, auxquelles répondent les espérances apportées aux communautés juives par le mouvement du pseudo-messie Sabbataï Tsevi, rendent possible le dialogue entre les élites néerlandaises et les notables et les savants juifs d'Amsterdam. Infatigable avocat de l'entente entre les chrétiens et les juifs, véritable incarnation d'un nouveau Mardochée pour ces derniers, le célèbre Menasseh Ben Israël, qui fréquenta Rembrandt, offre une magnifique illustration de cette convergence.
L'admirable Disgrâce d'Aman, du musée de l'Ermitage, de Saint-Pétersbourg, viendra clore le parcours. L'exposition présente d'autres chefs-d'oeuvre, parmi lesquels des peintures de Pieter Lastman, le maître de Rembrandt, d'Art de Gelder, son disciple le plus fidèle, et de Jan Victors.
Commissaire d'exposition : Laurence Sigal-Klagsbald, Alexis Merle du Bourg.
Musée d'art et d'histoire du Judaïsme, 71 rue du Temple - 75003 Paris. Ouvert du lundi au vendredi de 11h à 18h, le dimanche de 10h à 19H.