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L'épopée d'Alexandre le Grand en Orient a fait basculer la civilisation grecque antique vers les grands espaces. Une mondialisation avant l'heure que détaille l'historien Henri Stierlin dans «L'Orient grec».
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Référence | 9782742774920 |
Artiste-Genre | Art & Histoire |
Auteur(s) | Henri Stierlin. Photographies de Anne Stierlin |
Editeur(s) | Imprimerie Nationale |
Format | Ouvrage relié |
Nb. de pages | 318 |
Langue | Français |
Dimensions | 305 x 280 |
Date parution | 2008 |
Poids | 2.6 |
L'historien de l'architecture, Henri Stierlin, spécialiste des arts du Proche et du Moyen-Orient, ne se contente pas de suivre la pénétration grecque jusqu'au cœur de l'Asie centrale. Ni ensuite d'observer la poursuite romaine du même rêve d'unité impériale. Il note, preuves à l'appui, en art, en architecture, en sciences, en urbanisme, les influences massives, les transformations profondes et l'émulation folle ressenties par les Grecs et les Romains dans ces contrées un temps rivales.
Cette synthèse d'une ère historique qui s'étend sur six siècles, de la mort d'Alexandre le Grand (323 av. J.-C.) à l'abdication de Dioclétien (305) et qui, géographiquement, comprend la Grèce, la Macédoine, l'Asie mineure, le Proche-Orient (Syrie, Palestine, Mésopotamie), l'Egypte, les royaumes grecs d'Orient jusqu'à l'Indus (Bactriane et Sogdiane dans l'actuel Afghanistan) offre une vue panoramique d'un monde souvent relégué dans les marges des études académiques parce que jugé trop métissé, trop mutant, trop syncrétique et donc en déclin par rapport à un âge classique défini comme indépassable. L'Orient grec prend le contre-pied de ces a priori.
En détruisant l'Empire achéménide, Alexandre invente la " mondialisation ". L'œkoumène s'étendra bientôt de l'Italie à la Sogdiane (Alexandrie Eschatè, l'" ultime "), à la Bactriane (Aï Khanoum, Bagram) et à l'Indus (Taxila, Nicée). L'opposition classique entre cité grecque et empires orientaux, cette disproportion qui étonna Hérodote et suscita son Enquête, n'a plus cours. Les grands royaumes des successeurs du Conquérant - Séleucides, Lagides, Attalides, souverains d'Épire ou de Macédoine -, consacrent la figure d'une royauté transcendante et divine, inspirée de l'Egypte et de la Perse, sans commune mesure avec l'étroite fonction politique des tyrans d'Athènes ou de Syracuse, et dont Rome hérite dès qu'Octavien se fait " Auguste ".
Ainsi se développera, tout au long des six siècles séparant la mort d'Alexandre (323 av. J.-C.) de l'abdication de Dioclétien (305), une civilisation ouverte aux multiples influences qu'autorise l'élargissement de son aire aux limites du monde connu ; inspirée par l'esprit grec de la langue commune (koinè), mais animée d'une démesure à l'échelle de l'hybris des souverains, nourrie de puissance matérielle et de pouvoir spirituel.
Bienfaiteur (Evergète) et sauveur (Sôter) du peuple auquel il se montre en majesté (Épiphane), le souverain est dieu. Cette civilisation " gréco-romaine " porte la marque de l'Orient. La monumentalité de l'urbanisme, comme de l'architecture palatiale et sacrée, traduit ce considérable changement d'échelle, que rendent immédiatement sensible les photographies de H. et A. Stierlin et les vues aériennes de C. Cerster. Elle s'accompagne d'un raffinement décoratif, d'un dynamisme et d'un allègement des formes qui s'expriment aussi bien clans le colossal temple d'Apollon à Didymes, dans l'autel de Zeus à Pergame, l'acropole de Lindos ou le portique d'Attale, à Athènes, que dans des créations plus tardives, voire plus exotiques : bibliothèque de Celsus à Éphèse, porte de l'agora de Milet et, plus spectaculaires encore, les vastes ensembles orientaux de Baalbek et de Palmyre, de Pétra, d'Apamée ou de Gerasa (Djerash), dont le forum ovale à colonnes ioniques annonce, un millénaire et demi à l'avance, la place Saint-Pierre du Bernin.
En contrepoint, l'accent est mis sur l'exubérance, baroque avant l'heure, des formes de la sculpture, des bas-reliefs et de l'orfèvrerie, dont le raffinement extrême et la munificence révèlent une constante volonté d'impressionner. Un prodigieux développement des sciences et des techniques favorise la constitution de mégapoles, inconnues de l'âge classique et sans équivalent jusqu'à notre époque industrielle : Séleucie du Tigre rassemblait, comme Alexandrie et Antioche, six cent mille habitants (six fois plus qu'Athènes au temps de son hégémonie).
Physique, astronomie, géographie s'illustrent de noms célèbres ; la poliorcétique et son pendant, l'architecture militaire (ici l'exemple de Pergé, en Pamphylie) ; la construction navale, qui réduit au rang de barque la trière athénienne ; la sophistication de l'hydraulique et de la construction de barrages et d'aqueducs (tel celui d'Aspendos) ; l'ouverture des routes commerciales vers l'Inde et vers la Chine... enfin, l'astrologie, qui garantit aux puissants la maîtrise de l'avenir et la pérennité de leur pouvoir, laissant des monuments et des objets énigmatiques, tels la tour des Vents à Athènes ou le complexe mécanisme d'Anticythère.
Outre les vingt-cinq plans en couleur analysant la structure sophistiquée des édifices, un document donne à voir dans toute sa majesté la fonction sacrée, liturgique même, du palais royal : la reconstitution, par le professeur M. Pfrommer, du Thalamègos, navire royal de Ptolémée IV, qui reproduit l'ordonnancement du palais. La division entre l'andros ouvert au public et le palais privé, l'oikos, rappelle celle du palais de Persépolis, entre la salle aux Cent Colonnes et l'Apadana où seul pénètre le cercle restreint des familiers du souverain. Dans le Thalamègos, comme au Hiérothèsion d'Antiochos de Commagène, à Nemrod Dagh, et en maints palais orientaux, la " salle des treize lits " est le lieu d'un symposium sacré où les douze convives du roi, face aux statues des dieux, célèbrent avec lui sa généalogie divine. On sait par quel retournement de tels rituels l'ultime Cène consacrera la divinité du Fils de l'Homme.
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